La baignade des martinets

Publié le par almanito

L'équipage instable arrivait, un peu brinquebalant, à petit pas mesurés.

Un homme tenait d'une main une très vieille dame, de l'autre un petit chien sans marque précise qui tirait obstinément sur sa laisse. Une fois passés devant l'espace des balançoires colorées réservées aux enfants, ils traversaient la grande place des joueurs de boules pour atteindre, tout au fond, un banc de pierre sous les pins.

L'homme installait la vieille dame, lui donnait une petite tape protectrice sur l'épaule et poursuivait son chemin vers la ville.

Il n'était guère plus de 6 heures du matin. Un homme, que l'on appelait "le fou" sortait alors de sa voiture garée près du trottoir où il avait dormi, s'étirait, regardait autour de lui, ravi du soleil et du monde qui s'éveillait doucement et filait en chantant à tue-tête piquer une tête dans l'eau qui bordait la place. il en ressortait rapidement, s'ébrouait comme un chien joyeux et tirait du coffre de sa voiture un tee-shirt propre qu'il enfilait.

De multiples cicatrices ourlant son crâne apparaissaient, là ou les cheveux n'avaient pas repoussé, vestiges d'accident ou d'opération, on ne savait pas. En gestes désordonnés, poussant de petits cris aigus assez inquiétants pour qui ne le connaissait pas, il entamait une séance de gymnastique saccadée, puis un long monologue sans signification.

La vieille observait le rituel depuis son banc, semblant parfois s'endormir. Elle était belle, dorée et sereine comme le sont souvent les gens de la campagne à la fin d'une longue vie au soleil. Enfin, le "fou" arrêtait ses gesticulation et se figeait face à elle.

Un long hurlement signalait le départ d'un autre rituel, celui que la vieille dame attendait, celui pour lequel elle avait si longtemps et si péniblement marché dans la poussière d'été.

Le "fou" se dirigeait alors vers la fontaine muni d'un grand seau qu'il remplissait d'eau claire, puis revenait, titubant sous le poids, zigzaguant à sa fantaisie pour en déverser le contenu dans une ornière creusée sur le chemin de terre battue.

Une vingtaine de martinets piaillant surgissait alors tels des flèches bruyantes, survolaient la marre et finissaient dans l'eau, joyeux et chahuteurs. La vieille dame se redressait, ses yeux rieurs allaient des oiseaux à ceux du" fou", qui, tapait des mains et hurlait de joie en la voyant sourire.

Et puis un jour la voiture garée le long du trottoir disparut et l'on ne revit plus jamais ni vieille dame, ni martinet sur la place vers 6 heures du matin...

La baignade des martinets
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C
J'adore ta façon de raconter !...
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A
Toi! T'es trop gentille! <br /> Merci Cathycat
S
Un chien sans marque !!! Les sacs à main ont des marques, les chiens des races !!!!
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A
Un peu d'humour Sereine! c'était voulu.
M
Elle est belle celle !!! on ne sait ou ils sont partis mais j'ai aimé...merci Alma bonne soirée
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A
Merci Mina:)<br /> Bonne soirée à toi aussi!
J
J'aime beaucoup très belle histoire toute en émotion ! Super !<br /> <br /> Si vous le désirez, j'aimerais vous invitez dans mon univers:<br /> <br /> http://merveillespoetiques.forumperso.com/<br /> <br /> Cela me ferait vraiment très plaisir de vous accueillir ?<br /> En espérant votre venue, mes amitié, Jane
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A
Merci pour cette gentille invitation, Jane, je vous promets de venir faire un tour.
D
quel plaisir de lire ce billet. j'aime beaucoup. Rempli de cette humanité que j'aime. Merci
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A
Merci Dominique
J
Une si belle histoire.!!..<br /> Merci<br /> Douce et belle journée
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A
Merci jackie
C
C'est une bien jolie histoire Alma que cette complicité de ces deux êtres ... une âgée, l'autre un peu &quot;fou&quot; avec la nature ! Une jolie tranche de vie qui forcément devait avoir une fin un jour ou l'autre ...<br /> Très belle journée !<br /> Grosses bises<br /> Cathy
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A
Pfutt, elle va trouver un ppétexte avant Marseille pour te faire ramer, je la connais!
C
Ben oui ... je me demande pourquoi ça passe mal des fois !!! Mais t'inquiète ... je reprends les rames vers Marseille ... !!!!
A
Si je comprends bien, tu as emporté ton ordi sur la barque et tu t'amuses pendant que Katia rame...bravo!
P
Un bout de vie tout en tendresse qui nous fait monter un sourire aux lèvres même si la chute est forcément évidente...Tu es une magicienne qui nous conte de belles histoires...Bises Almanitoo
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A
Oui, mais j'ai pas de chapeau pour faire apparaitre les petits lapins...:))<br /> Merci Paradisalia
L
Comme j'aurais voulu assister à ce spectacle ! Mais en te lisant, on s'y croit. Merci Alma.
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A
Les oiseaux cherchent les points d'eau pure ici lorsqu'il fait chaud. Pour eux comme pour nous, une aubaine, cette ornière!<br /> Merci Louv'
I
Belle complicité de ces deux êtres envers la nature !... <br /> Je ne m'attendais pas à cette issue, je confirme, tu as beaucoup de talent :)
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A
Tu me diras combien je te dois;) tu préfères en fin de mois ou à chaque commentaire?
B
j'adore ces oiseaux saisonniers , hirondelles ou martinets ,et leurs ballets du soir au dessus des toits des villes ! leur présence est un rappel à la nature .....
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A
Il y en a des centaines qui tournent dans mon quartier, c'est vrai que c'est sympa et très spectaculaire mais il faut fermer les fenêtres à l'heure de la sieste: ils sont assourdissants et l'heure de la sieste, c'est sacré!
A
Mais moi, je ne plaisante pas et j'espère que tu stockes précieusement ce que tu écris...!
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A
Bien sûr, tu vas rire: je fais confiance à OB pour ça!
A
Tu as de bien belles histoires &quot;en magasin&quot;, et, ce qui ne gâche rien, le talent pour les raconter!
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A
Bref, que du talent! je plaisante naturellement!!!
T
Quelle jolie histoire avec une chute si inattendue : je ne parle pas de la disparition totale de l'événement puisque tout, hélas, a une fin, mais de cette heure, si attendue, du bain des martinets!
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A
Je trouve que c'est ça, vivre: se déplacer à une heure impossible pour voir un spectacle tout simple, si ordinaire en fait.