Holly Tourist!
Adieu gentil touriste, à peine ton automobile embarquée, rangée serrée au milieu des autres comme les sardines en boîte à Douanenez, nous avons déjà vidé tes poubelles, ramassé tes papiers gras sur les plages et tes mégots dans les vasques que nous avions fleuries pour toi.
Bien sûr tu es triste de partir quand ici le soleil tape encore pour retrouver tes autoroutes rectilignes et la grisaille de tes villes encombrées. Note bien, sans méchanceté, que tu nous les as bien bouchonnées ici aussi, nos rues, et nos routes pittoresques qui sentent le maquis et les embruns malgré ton pot d'échappement fatigué. Mais on t'en veut pas. Puisque tu pars.
On espère que tu as apprécié la qualité de nos services et notre patience quand au restaurant vous arriviez à quatre pour vous partager une seule et unique pizza arrosée de château la pompe que tu sembles particulièrement affectionner, quand, après tes nuits passées à dormir dans ta voiture, nous t'avons laissé faire tes ablutions aux fontaines publiques et repartir en nous laissant les reliefs de tes repas apportés du continent éparpillés sur nos places...
As-tu été content de l'accueil à l'hôpital où tu es venu soigner tes coups de soleil du second degré et tes piqures de méduses? Et le voyage en hélico pour te rapatrier d'urgence après que tu te sois emmêlé les tongs en haute montagne, c'était sympa? Il était beau, le paysage vu d'en haut, hein! Ne mens pas: on te l'avait bien dit qu'on partait équipé en expédition, non? Bon. Au fait, tes gelures aux doigts, enfin ceux qui te restent, ça va mieux? Et ta vilaine coupure à la plante des pieds, ça cicatrise? Tu le sais qu'on ne marche pas pieds nus en ville? On n'a pas de souliers, dans ton bled, là-haut?
T'es au courant que cet hélico, on l'a entendu vingt fois par jour nous vriller les oreilles pour aller vous tirer d'on ne sait quel pétrin où vous vous étiez fourrés, toi et tes pairs?
Et puis aussi, pourquoi t'es parti crapahuter sur les sentiers sauvages alors que chez toi tu bouges pas tes fesses du canapé? Pourquoi t'es passé raide en mangeant ta glace en plein cagnard devant le musée où tu aurais pu voir une formidable collection de Primitifs italiens? En plus, pour le même prix, t'aurais eu la clim, tu vois, gros malin, toi qui te plaignais de la chaleur!
Je voulais te dire aussi, tous les souvenirs que tu as achetés: ils sont fabriqués en Chine! Si! Pour cent balles de plus, t'aurais eu du made in Corsica, et comme tu en aurais acheté moins, t'aurais pas eu à payer l'excédent de bagage à l'aéroport, tu vois un peu l'économie?
Pareil pour les saucissons que tu ramènes. Comment peux-tu imaginer que nous ayons assez de cochons sur un si petit territoire pour fournir les tonnes de charcuterie que tu as vues dans les supermarchés? Tiens, si ça se trouve, tes sauciflards, ils viennent de l'élevage à côté de chez toi! Regarde donc les étiquettes, va chez les petits commerçants, donne-toi un peu la peine, non d'une coppa!!!
Et puis arrête de suivre les groupes, comme si tu allais te perdre, on va pas te manger!
Allez, bon vent, rentre bien! Je vois que malgré tout tu es heureux et que tu reviendras l'année prochaine. Alors n'oublie pas de rapporter les serviettes que tu as piquées à l'hôtel, sinon on sera obligé de faire encore grimper le prix de tes vacances.
Allez, la petite viséo en bonus pour la macagne