Encore une histoire d'oeuf
C'est par période que cela m' arrive. En ce moment chez moi, la fixette porte sur les œufs et je n'y peux rien.
L'arrivée imminente de Noël, sans doute... Mais si: qui dit Noël, dit fête traditionnelle, et lorsqu'on me dit Noël, je pense Pâques. C'est comme ça, c'est de l'anticipation, si vous voulez.
J'étais donc hier dans un supermarché, flânant sans conviction entre les rayons surchargés d'étincelantes boites de chocolats industriels, 50% de sucre, 20% d'huile de palme, 10% de colorants et additifs "naturels", 15% de conservateurs et 5% de cacao, cherchant, en dehors des sempiternelles et très artisanales pâtes dont je raffole, un petit truc pour varier un peu le menu.
Tiens des œufs, c'est bien ça, je n'y pense jamais. Et puis ça va occuper ma dernière tomate restée en carafe qui s'effondre de solitude sur le coin de la table de la cuisine. Avec une pointe d'ail et un filet d'huile d'olive. L'huile d'olive, l'avez- vous remarqué, se présente toujours en filet. Comme les patates et les harengs. Et l'ail en pointe, comme pour en souligner le piquant.
C'est qu'en cuisine aussi, les mots sont importants. L'ajout d'une cuillère à soupe d'huile d'olive vous alourdit la salade printanière comme un gros potage épais, alors que le filet, lui, vous fait pétiller d'allégresse la laitue du jardin comme autrefois chez votre grand-mère. Un peu comme le nuage de lait dans le café vous emmène au paradis de la légèreté.
Je m'approchai donc de l'étalage consacré aux œufs. Que de possibilités...De très gros œufs, des gros, des moyens et des petits, emballages cartons très sobres, belles boîtes plaquées d'une image champêtre, des extra-frais, des frais et des moins frais qui sont encore consommables pendant plus de trois semaines. C'est tout de même bien compliqué. Heureusement, rien de tout cela ne guidera mon choix, je suis une consommatrice éclairée. Car il en va des œufs comme des cartes, des portes, de la caf, de la sécurité sociale et des comptes en banque: la clef, le sésame qui ouvre les champs infinis du bonheur de l'homme civilisé, c'est le code. Et je le connais par cœur le code de l'œuf: 3 = poules en batteries. 2 = poules au sol. 1 = poules en plein air. 0 = le nec plus ultra sorti d'un cul de poule épanouie et bien nourrie qui vadrouille dans la campagne. Curieux, soit dit en passant, que l'on attribue le 0 à l'excellence, mais ne mégotons pas, les codes, par définition, doivent comporter une part de mystère.
Je recherchai donc (frénétiquement, à l'évidence) une boîte notée zéro, non par gros souci pour ma petite santé, ayant au cours de ma vie déjà longue ingurgité pas mal de saloperies cachées dans l'alimentation du monde moderne, mais par solidarité avec les poules. J'ai envie de les imaginer libres de batifoler dans l'herbette et les fleurs de la campagne, encouragées par une brave fermière ceinte d'un grand tablier à carreaux, de boulotter de petits insectes et autres vermisseaux croquants sous le bec et même de leur laisser la joie incommensurable de trouver un couteau puisqu'il parait que ça leur plait, aux cocottes.
J'en étais là et un peu lasse aussi, je dois l'avouer de mes recherches infructueuses, lorsque j'avisai un lot de "bio". Parfait. Je m'emparai donc de 6 œufs bio avec la conviction de prendre des œufs de vraies poules de la vraie campagne, heureuses et bien nourries, grandement soulagée d'avoir enfin trouvé une solution pour cet achat important et ô combien difficile.
C'est en ouvrant les paquets que je me suis rendu compte que le code et le bio, c'est bien gentil, mais que les deux ne vont pas toujours de paire. Car si mes poules étaient en effet bien alimentées en bio, leurs œufs, eux, étaient bel et bien estampillés d'un magnifique... 3.
Sacrés industriels, gros margoulins tout de même. Pfff !!!